EXEMPLE DE BONNE COPIE

Le territoire français (DOM compris) s'intègre-t-il à l'espace géographique et économique de l'Union Européenne ? (ESSEC 1999)

Note : 17/20

Appréciations du correcteur : Certaines affirmations mériteraient de plus amples explications, d'autres sont allusives (cf. DOM). Qualité et variété des exemples. Argumentation solide. Raisonnement mettant en valeur l'espace et n'oubliant pas les héritages de l'histoire.

L'aménagement du territoire en France s'est avant tout préoccupé du desserrement de la région parisienne et du rééquilibrage des activités autour de la ligne Le Havre-Marseille. Toutefois, la dimension européenne du territoire français n'a pas été négligée car elle se révèle être un enjeu pour la France autant que pour la construction européenne. Le territoire français s'intègre-t-il à l'espace géographique et économique de l'Union Européenne (UE) ? La notion d'espace géographique et économique renvoie à la structure de l'espace européen, fait de liens, de flux, d'équilibres géographiques, de transports, de données naturelles aussi. Il faut déterminer comment le territoire français, c'est-à-dire l'identité strictement géographique de la France, avec ses structures et ses perspectives, est relié à ses pays voisins, par quels moyens, à quelle intensité, et quels enjeux cela soulève pour la France mais aussi pour l'UE aux niveaux économique, géographique et politique.

Dans une première partie, nous étudierons les facteurs de l'intégration du territoire français à l'espace géographique et économique de l'UE. Puis nous verrons en deuxième partie qu'il résulte de ces facteurs une intégration bien réelle. Finalement nous évoquerons en dernière partie les limites et les enjeux de cette intégration. On pourra se reporter à la carte le long du devoir.

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Tout d'abord, de multiples facteurs ont poussé à l'intégration du territoire français à l'espace européen. Avant tout, la position de la France au sein de l'Europe fait d'elle un isthme jouant le rôle de trait d'union entre la péninsule ibérique et le reste de l'Europe, tout comme entre l'Europe et le Royaume-Uni depuis le tunnel sous la Manche. La France est aussi le territoire le plus pratique pour se rendre d'Italie en Allemagne en contournant les Alpes par l'Ouest Elle dispose de cinq grands fleuves dont le Rhin qui la relie directement avec l'Allemagne et lui ouvre la voie de la Mer du Nord et des ports hollandais. Sa large façade maritime l'ouvre à la fois sur la Mer Méditerranée, l'Océan Atlantique, la Manche et la Mer du Nord, et ses ensembles montagneux sont contournés par de grands couloirs comme le couloir rhodanien. Ils constituent toutefois un obstacle naturel à la communication avec l'Espagne ou l'Italie. Les vastes plaines du Nord de l'Europe se prolongent jusqu'au Bassin Parisien puis contourne le Massif Central pour finalement s'arrêter en Aquitaine, buttant sur les Pyrénées. Il apparaît dans un espace naturel ouvert et relié aux pays limitrophes, le réseau fluvial du Rhin offrant l'un des meilleurs exemples de liens naturels, avec toutefois certaines barrières.
Ces barrières ont été contournées ou amoindries grâce au travail de l'homme. Ainsi l'aménagement du territoire a permis de percer des tunnels dans les Alpes, via l'Italie, notamment le tunnel routier du Mont-Blanc et le tunnel ferroviaire de Fréjus. De même des tunnels traversent les Pyrénées, et Port-Bou, à l'extrême est de ce massif, est un nœud ferroviaire important. Enfin le tunnel sous la Manche relie la France au Royaume-Uni et l'aménagement du Rhin et de ses affluents facilitent nos échanges avec l'Europe du Nord. Pourtant, mis à part ces nécessités, l'aménagement du territoire en France n'a pas d'abord eu pour premier objectif l'intégration à l'espace européen ; il a néanmoins eu des retombées certaines. La volonté d'équilibrer le poids de la région parisienne a conduit au développement de régions comme l'Alsace-Lorraine, le Nord-Pas-de-Calais, dont les liens avec l'Europe du Nord se sont trouvés intensifiés.

Le statut de métropole d'équilibre attribué à huit villes leur a permis de développer leur industries dans des domaines porteurs et ainsi d'accueillir des projets européens, comme Airbus à Toulouse. Les projets de Technopole ont aussi eu leur importance dans les années 70 : elles attirent entre autre des firmes européennes, comme les projets des pôles de conversion de Cresson en 84 et de zones d'entreprise de Madelin en 86, qui malheureusement se trouvèrent être des échecs. Enfin et surtout, c'est l'aménagement des transports qui a le plus d'impact sur l'intégration du territoire français : non seulement les autoroutes ou chemins de fer européens, mais aussi les aménagements internes dont profitent les production européennes qui transitent par la France et les touristes européens.
Finalement, l'Histoire a aussi une large part dans le processus d'intégration du territoire français à l'espace européen : de la Route des Flandres et de la Foire de Champagne au Marché Commun, c'est une histoire commune des commerçants et des entrepreneurs européens qui se crée, et se fonde sur des liens matérialisés, par des axes d'échanges. Au niveau le plus récent, la formation du Grand Marché nécessite forcément une intégration des territoires et une interconnexion toujours meilleure devant mener à un espace européen. Ainsi l'Histoire et les ambitions politiques ont-elles poussé à l'intégration du territoire français à l'espace géographique et économique européen.

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Ainsi, sous l'effet combiné de ces facteurs, émerge aujourd'hui une réelle imbrication du territoire français qui tend à se fondre dans un maillage européen, et ceci tout d'abord au niveau de la structure des transports. La France est réliée à ses sept voisins, même ceux qu'une frontière naturelle sépare d'elle. La carte résume les tunnels et les passages évoqués en première partie : l'autoroute et le chemin de fer relient Nice à Vintimille en Italie, Montpellier à Port-Bou en Espagne, le tunnel sous la Manche met Londres à deux heures de Paris, un projet de voie européenne Paris-Francfort-Cologne est en cours de réalisation ... Le poids du transport aérien est considérable pour le trafic de voyageurs: Paris-Londres est la ligne la plus empruntée au monde et la France dispose de plusieurs aéroports internationaux: Paris, Nice, Lyon, Marseille, Strasbourg, ... La force des lignes intérieures assure une bonne traversée du territoire, avec notamment la Navette entre Paris et Nice qui effectue un vol par heure. Le réseau fluvial est essentiel au trafic de pondéreux dans le Nord-Est, dans les échanges avec l'Europe du Nord. La Moselle est canalisée depuis les années 70 et forme avec le Rhin et l'Escaut un véritable réseau fluvial transfrontalier qui contribue à individualiser cette région Sar-Cor-Lux. Enfin la France dispose de grands ports comme Maseille, Bordeaux, Nantes, Saint-Nazaire, Le Havre ou Dunkerque, et qui contribuent aux échanges avec la Méditerranée pour Marseille, l'Europe du Nord pour le Havre et Dunkerque.

La force des flux est aussi l'indicateurde l'intégration de l'espace national à l'espace européen : la France effectue plus de 65% de son commerce extérieur avec l'UE. Cela se traduit par de forts courants commerciaux notamment avec l'Allemagne et l'Angleterre. De plus, la mondialisation et la construction européenne aidant, on trouve de nombreuses entreprises de pays européens présents sur le sol français, ainsi que des firmes "européennes", c'est-à -dire associant différents pays: ainsi la construction des Airbus se fait-elle en France comme en Angleterre à Bristol avec British Aerospace, ou en Espagne avec CASA. La France voit de plus une partie de son territoire faire partie de la Grande Dorsale qui va de Londres à Tunis: cette zone se caractérise par la présence des centres de décisions européens (le Parlement est à Strasbourg) et un intense maillage des réseaux de transports. Mieux, l'émergence de régions européennes qui combinent tous ces aspects de l'intégration, comme la Sar-Cor-Lux, englobent des régions françaises. C'est pour les flux justement que les départements français d'outre mer (DOM) se trouvent participer à l'intégration à l'espace européen: trop lointains et n'étant pas proches de départements d'outre-mer d'autres pays européens, leur intégration passe par les échanges avec la métropole.

Finalement, le territoire français se trouve aussi intégré à l'espace économique européen selon les dispositions administratives de la France et de l'Europe. Car les liens géographiques sont au service des liens économiques, qui sont eux-mêmes dépendants des législations. Ainsi on peut dire que le territoire est intégré à l'espace européen au regard des convergences des législations, et ce principalement dans les transports. En 1988 est constitué le bordereau unique, remplaçant les 70 formulaires nécessaires au transport transfrontalier de marchandises. Cette simplification administrative est d'ailleurs amplifiée par les libéralisations des transports intervenant dans les années 90, avec l'autorisation du cabotage maritime, du cabotage routier, et la libéralisation totale des transports aériens après l'autorisation de cabotage consécutif.

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Toutefois le territoire français ne peut encore être considéré comme en continuité avec un espace européen, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il n'est pas encore assez bien relié aux pays limitrophes: les tunnels, lorsqu'ils ne connaissent pas de problèmes ou ne sont pas l'objet de catastrophes comme le récent drame du tunnel du Mont-Blanc, ne sont pas assez nombreux et leur nombre insuffisant force les camions à franchir les cols alpins, polluant dangereusement ceux-ci. Certains projets ont été abandonnés comme le canal Rhin-Rhône, et les contrôles aux douanes sont loin d'avoir disparu malgré les dispositifs de l'Acte Unique et de Schengen. De plus on ne peut considérer les DOM comme intégrés à l'espace européen, leurs échanges avec l'UE étant trop marginaux.

Une seconde nuance majeure à l'intégration du territoire français dans l'espace européen est la question même de l'existence de cet espace. En effet l'espace européen semble plutôt se composer de la somme de 15 espaces nationaux plus ou moins bien reliés. Il faudrait en effet au minimum une harmonisation des législations, ce qui est un point problématique de la construction européenne: en matière de TVA, les efforts n'ont pas encore totalement aboutis, en matière de normes non plus, la reconnaissance mutuelle des normes étant une période transitoire. Plus ardu encore semble le problème du droit salarial et social, et la Société Anonyme européenne est encore un projet. Cela revient à dire que l'espace géographique et économique européen ne saurait être pris comme une réalité unifiée mais plutôt comme un espace en construction, construction à laquelle la France participe certes, mais qui sera encore difficile.

Enfin se pose la question des enjeux et des perspectives de cette intégration: au-delà des simples enjeux géographiques du statut d'espace de liaison qu'à la France, et qui seront certainement relevés, se pose celui de la prospérité: la France est dépendante de son intégration pour sa vitalité économique: les 40% de travailleurs étrangers en Alsace montrent bien que l'imbrication des économies et des espaces peut se révéler comme une solution à la crise. C'est donc des échanges avec l'Europe et des emplois européens, ceux-ci étant facilités par l'intégration du territoire national, que dépend l'avenir de la France. Ombre au tableau, la question de l'élargissment menace de faire se déplacer vers l'est le centre de gravité de l'UE, contribuant à priver la France de sa place centrale et stratégique, et remettant de fait en cause une intégration alors limitée par la réduction du rôle européen.

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Ainsi donc le territoire français s'intègre-t-il à l'espace géographique et économique de l'UE en tant que ce dernier est incomplet et pas encore réellement unifié. La France apparaît bien reliée à ses voisins, ce qui lui permet la facilité de ses propres échanges et une fonction d'espace intermédiaire liée aussi à l'efficacité de ses transports intérieurs. Pourtant il ne suffit pas à la France de poursuivre simplement le processus d'appronfondissement de la construction qui est censé accroître son intégration, et ce tant au niveau géographique et économique que réglementaire et politique, il lui faut aussi agir de manière à maintenir ce poids qui est le sien face aux élargissements à venir vers l'Est, car même si ces espaces seront à coup sûr mal intégés, comme le sont les pays scandinaves, ils ,e représenteront pas moins des membres attirant les échanges. Il faut donc, par l'accélération de l'intégration, que le France se rende indispensable à l'équilibre communautaire.