EXEMPLE DE BONNE COPIE
Les conséquences économiques des guerres (Essec 2003 - Voie économique)
Appréciations du correcteur : La présente copie est bien structurée. Elle envisage de manière assez complète les conséquences économiques internes des pays en guerre puis l'impact des conflits sur les relations économiques internationales. L'analyse est claire et repose sur des connaissances factuelles précises. Toutefois, la conclusion est un peu décevante.
Alors que la guerre en Irak vient de s'achever et qu'il est encore trop tôt pour cerner l'impact de ce conflit à long terme, le ralentissement de la conjoncture semble actuellement déjà expliqué en partie, ou du moins pour ce qui concerne sa durée, par cette deuxième guerre du Golfe. Qu'un pays sorte vainqueur ou vaincu d'une guerre, celle-ci laisse toujours des marques. La conjoncture économique, le commerce, les sphères financières et commerciales, la répartition des revenus ou de la population active ou encore le rôle des agents économiques se trouvent modifiés. Etudier les conséquences économiques des guerres c'est donc analyser comment les conflits armés peuvent laisser une empreinte, durablement ou non, sur les acteurs et les différentes sphères de l'économie précédemment mentionnées, dans le pays en guerre comme au niveau mondial.
Pour appuyer notre étude, nous ferons référence aux conflits armés s'étant déroulés depuis le début
du XXème siècle, et notamment aux deux guerres mondiales. Nous tenterons ainsi de répondre à la question suivante: Quel est l'impact sur les acteurs et sur la sphère économique, sur le plan intérieur comme au niveau mondial, des conflits armés?
Nous nous pencherons tout d'abord sur les conséquences économiques des guerres sur le plan national, puis nous tenterons d'analyser l'impact de ces conflits sur les relations économiques internationales.
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La guerre est avant tout un conflit entre deux ou plusieurs pays et a donc en premier lieu des répercussions économiques sur le plan intérieur.
La guerre nécessite avant tout une réorganisation de l'appareil de production. Les secteurs économiques utiles au conflit, tels que l'industrie et l'armement, doivent être favorisés. L'Etat est alors l'acteur économique le mieux à même de réguler la production, de définir les priorités d'investissements, de collecter l'épargne nécessaire au financement ou encore d'allouer les ressources vers les secteurs prioritaires.
La guerre est donc marquée par une forte ingérence de l'Etat, l'interventionnisme de guerre. L'Etat voit son rôle et sa place accentués. Le conflit ayant un coût élevé, l'Etat doit augmenter les dépenses publiques pour le financer. Pour Wiseman, les dépenses publiques s'accroissent en fonction des guerres. Et c'est là une conséquence importante des conflits armés. Car même si la guerre achevée l'Etat se désengage en partie de l'Economie, Wiseman montre que la reconstruction nécessite d'importantes dépenses publiques, qui resteront supérieures à ce qu'elles étaient avant guerre.
De plus, la population s'est habituée durant le conflit à voir l'Etat organiser la production. C'est pourquoi la Première guerre mondiale, marquée par un fort interventionnisme de guerre suivi d'un désengagement de l'Etat souhaité par le patronat, ancra dans les mentalités l'idée que l'Etat pouvait s'impliquer plus fortement dans l'économie. La planification indicative en France à l'issue de la Seconde guerre mondiale, ainsi que les nationalisations de certaines entreprises, non comme sanctions pour collaboration, sont un autre exemple montrant que la guerre entraîne une plus grande ingérence de l'Etat dans l'économie, et que ceci est mieux accepté par la population.
La guerre peut également entraîner une période d'expansion. L'économiste Ackerman explique ainsi les crises économiques par les guerres. Pour lui, la fin de la guerre, avec la reconstruction, amorce une phase d'expansion. Le retour de la paix et la nécessité de remettre en place ce qui a été détruit permettent un contexte favorable à la croissance. La guerre est aussi marquée par des gains de productivité dans certains secteurs. La pénurie de matières premières pendant le conflit encourage la recherche de nouveaux produits ou nouveaux procédés plus économes, comme les «ersatz» allemands pendant la Seconde guerre mondiale. Pendant la Première guerre mondiale la France, ou bien l'Angleterre pendant la seconde, furent obligées d'importer des machines américaines car leur potentiel de production était insuffisant. Ces importations de machines plus élaborées permettent une amélioration qualitative de la production dans les pays en guerre et ont un effet de rattrapage, favorable à l'expansion économique une fois la guerre terminée.
Comme l'analysent Carré, Dubois et Malinvaud dans la conclusion de l'Abrégé de la croissance française, la guerre conduit également au renouvellement des élites et au changement des politiques économiques. Le conflit peut aussi entraîner un choc sur les mentalités, poussant la population à accepter des changements et de nouvelles réformes économiques. La combinaison de ces deux phénomènes est ainsi une des raisons de la modernisation de la société française et de la période de forte croissante en France à l'issue de la Seconde guerre mondiale.
La guerre entraîne également une modification de la répartition de la population active. Les postes laissés par les hommes partis au combat doivent en effet être occupés par des femmes afin de maintenir l'effort productif du pays. Le retour de la paix n'efface pas pour autant ce changement. Jusqu'à la crise des années 30 en France, de nombreuses femmes qui avaient remplacé les hommes comme chauffeurs de bus ou à travailler dans des petits commerces par exemple continuèrent à travailler malgré le retour de la paix, en occupant les postes laissés vacants par les hommes tombés au combat.
Mais pour nuancer le lien entre reconstruction et expansion économique, il est important de noter que la guerre entraîne également d'importants goulets d'étranglement. La restructuration indispensable permettant le passage d'une économie de guerre à une économie de paix peut se révéler difficile, tant certains secteurs utiles pendant la guerre peuvent être surdéveloppés au détriment de certains services ou des secteurs produisant des biens de consommation.
Enfin, la guerre peut avoir des conséquences sur l'équilibre de la conjoncture de l'après-guerre. La
guerre peut notamment être génératrice d'inflation. Cette inflation peut être due à un déséquilibre entre l'offre et la demande, lorsque la reconstruction peine à remettre sur pied des secteurs sacrifiés pendant la guerre, comme ce fut le cas par exemple en France dans les années 1950-60. Mais cette inflation peut aussi avoir pour origine le financement de la guerre. Le conflit peut être financé par création monétaire, par emprunt ou par les impôts. Les deux premières formes sont génératrices d'inflation après guerre. Le recours à la planche à billets
fait gonfler la masse monétaire, tandis que le recours à l'emprunt peut inciter l'Etat débiteur à laisser aller
l'inflation pour alléger le poids de sa dette. Car l'inflation d'après-guerre entraîne des transferts, à l'avantage
des débiteurs dont la dette s'allège, et qui provoque, comme après la guerre de 1914, l' «euthanasie des rentiers» pour Keynes. L'inflation d'après-guerre peut donc aussi permettre d'assainir la situation financière pour repartir sur des bases plus solides.
Mais l'inflation et les déséquilibres d'après-guerre doivent être acceptés. Refuser de voir des conséquences économiques à la guerre et traiter celle-ci comme une parenthèse de l'histoire économique peut se révéler douloureux sur le plan intérieur. Ce fut pourtant le choix effectué en 1925 par La Grande-Bretagne de Churchill et Cunliffe qui, en revenant à la parité de la livre de 1913, refusa le déséquilibre inflationniste engendré par la guerre et sacrifia la situation interne au prestige de la Livre.
La guerre a donc de multiples conséquences économiques au niveau national, que nous avons essayé de mettre en valeur. Intéressons-nous maintenant à l’impact économique des conflits sur le plan international.
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La guerre, au niveau mondial, est comme l'ont illustré les deux guerres mondiales une rupture monétaire et commerciale, ainsi qu'une rupture financière. Afin de traiter les chocs qu'elle entraîne, la guerre pousse également au renforcement de la coopération économique internationale.
Comme nous l'avons analysé, les conflits armés sont générateurs d'inflation dans les pays en guerre.
Mais l'inflation n'est pas de même ampleur dans tous les pays. Or un des critères du taux de change, pour l'économiste Cassel, est le différentiel d'inflation. Dans un système de taux de change fixe, l'inflation de l'après-guerre implique une dévaluation des monnaies des pays les plus inflationnistes. La guerre nécessite une réforme du système monétaire international, afin de refixer les parités entre les différentes monnales. Cette
réorganisation du système monétaire international se fait à l'avantage de la devise du pays vainqueur. Le dollar devient ainsi en 1922 à Gênes une devise au moins aussi importante que La Livre et devient définitivement l’unique véritable monnaie internationale à la conférence de Bretton Woods à la fin de la Seconde guerre mondiale. Cette réforme entraînée par la guerre a aussi pour objectif de favoriser les échanges commerciaux.
La guerre se traduit également par une reprise du commerce. La paix retrouvée, les anciens pays en guerre cherchent à s’ouvrir pour se procurer des devises. Cependant, la guerre a aiguisé la concurrence. Pendant que les grandes puissances commerciales se combattaient, d’autres pays en ont profité pour développer les industries produisant sur place ce qu’ils devaient importer auparavant. C’est ainsi que la remière guerre mondiale a été une occasion pour des pays d’Amérique du Sud, pour l’Australie ou même pour les Etats-Unis de produire eux-mêmes ce qu'ils avaient l'habitude d'importer d'Europe. La guerre entraîne ainsi un bouleversement de la hiérarchie commerciale. La Seconde guerre mondiale a ainsi consacré la place de première puissance commerciale mondiale des Etats-Unis au détriment de la Grande-Bretagne. Le Japon a par exemple profité de la guerre de 1914 pour emprunter les voies commerciales de l'Asie du sud-est abandonnées par la Grande-Bretagne.
La guerre a également des conséquences sur les relations financières internationales. Le financement du conflit, s'il est réalisé par emprunt à l'étranger, est générateur d'endettement et implique des flux retours de remboursement. La Première guerre mondiale marque ainsi l'inversion de la tendance de la circulation des flux financiers entre l'Amérique et l'Europe. Le financement des réparations, réalisé par emprunt, peut lui aussi provoquer une accumulation de crédits et de dettes. Cela peut conduire à un cercle vicieux dans lequel le pays est obligé d'emprunter à nouveau pour rembourser des dettes passées. L'endettement qui résulte de la guerre et les difficultés pour y remédier conduisent à une grande instabilité et à de forts déséquilibres internationaux. Les deux guerres mondiales peuvent ainsi illustrer les conséquences de la guerre sur les relations financières internationales. A l'issue de la guerre de 1914, les besoins de financement de l'Europe et d'autres pays ainsi que le problème des réparations allemandes ont conduit à une pyramide de crédits et de prêts financés par les Etats-Unis dont l'écroulement conduisit en partie à la crise des années 1930. Les relations financières internationales de l'après Seconde guerre mondiale furent marquées par l'afflux dans les banques européennes des eurodollars vecteurs d'instabilité au niveau mondial.
Enfin, la guerre entraîne un renforcement de la coopération économique internationale. La guerre peut en effet être vue comme une crise internationale, et une concertation entre les pays est nécessaire pour y
remédier. La coopération d'après-guerre a pour but d'encadrer et de favoriser la reconstruction et de faciliter le redressement des pays détruits. La Seconde guerre mondiale est ainsi un bon exemple illustrant la volonté de nombreux pays de renforcer la coopération internationale pour permettre une bonne conjoncture économique
dans l'après-guerre. Les accords de Bretton Woods redessinant le système monétaire international avec des
parités fixes mais ajustables ainsi que la création du Fonds Monétaire International et l'instauration du GATT témoignent du regain de régulation internationale entraîné par la guerre.
Les guerres ont donc des conséquences importantes sur les relations monétaires, financières et commerciales ainsi que sur la coopération économiques internationale.
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Tout au long de notre étude, nous avons essayé de mettre en lumière les conséquences économiques des guerres, tant sur la place des acteurs économiques, sur la conjoncture économique, sur les relations financières, monétaires ou commerciales et sur la coopération internationale. Même si nous nous sommes principalement référés aux deux guerres mondiales, l’impact des conflits sur l’économie n’en demeure pas moins réel, certes peut-être dans une moindre mesure, pour les autres guerres du XXème siècle comme la guerre du Viêt-Nam ou la guerre du Golfe. La récente guerre en Irak illustrera sûrement elle aussi, avec un peu de recul quelques-unes des conséquences économiques que nous avons étudiées.
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