EXEMPLE DE BONNE COPIE


Nouvelles technologies et mutations du tissu industriel dans l'Union Européenne et les Etats-Unis depuis les années 1970. (Hec 2000 - Voie Scientifique)

Appréciations du correcteur :

- Le sujet est remarquablement bien maîtrisé. 18/20
- Devoir très informé. Un peu trop peut-être de technostructure et pas assez de géo. 15/20.


« La croissance dépend de l'équilibre extérieur et l'équilibre extérieur dépend de l'industrie ». Pour Michel Albert, le secteur industriel tient donc une place essentielle dans l'économie d'un pays. Il est vrai que dans les années 1970, l'industrie représente l'un des principaux postes d'exportation aussi bien aux Etats-Unis que dans l'actuelle Union Européenne. De plus, cette décennie marque le point de départ de nombreuses mutations dans le secteur industriel, c'est-à-dire des changements profonds et assez brutaux provoqués à la fois par le contexte de crise économique, ponctué par les chocs pétroliers et aussi par l'apparition de nouvelles concurrences : celle du Japon et des NPI. Par ailleurs, le tissu industriel, c'est-à-dire la structure du secteur industriel sur le plan géographique, stratégique, interne et externe, se trouve être à peu près dans une situation similaire aux Etats-Unis et dans l'Union Européenne, avec une industrie issue des révolutions industrielles du XIXème siècle dont les secteurs représentatifs sont la sidérurgie, la chimie ou l'automobile, symbole d'un niveau de vie élevé. Enfin, ces deux pôles majeurs de l'économie mondiale qui participent pleinement au mouvement de libération des échanges qui débute alors possèdent également les nouvelles technologies : c'est-à-dire les produits, les méthodes de production et de commercialisation issues de l'innovation.

Dès lors, dans quelle mesure l'apparition et le développement des nouvelles technologies ont-ils contribués à transformer le tissu industriel tant dans l'Union Européenne qu'aux Etats-Unis ?

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Il apparaît tout d’abord que le secteur industriel connaît une crise de reconversion dans les années 1970. En effet, les chocs pétroliers contribuent à affaiblir des secteurs déjà vieillissants : la sidérurgie, la chimie lourde ou encore l’automobile. Cette crise engendre de sévères disparités régionales puisque des régions à tradition industrielles sont touchées : c’est la rust belt aux Etats-Unis et les RETI en Europe avec des pôles de reconversion : Lorraine, Black Countries au Royaume-Uni et l’apparition de « villes fantômes » aux Etats-Unis : Detroit, Pittsburgh. D’autres secteurs subissent de surcroit la concurrence du Japon ou des NPI : le textile et encore l’automobile, la construction navale. Le déclin industriel fait alors craindre la « désindustrialisation » tandis que les NPI semblent constituer « la grande menace industrielle » (Stoffaes, 1977).

Face à ces difficultés, une révision des choix quand aux tissus industriels américain et européen s’impose. L’Etat intervient tout d’abord par des mesures protectionnistes pour préserver les industries vieillissantes, ce que préconise Kalder contre la désindustrialisation : ainsi en 1974, la CEE met en place les AMF (accords multi-fibres) visant à limiter les importations textiles dans la CEE. Les Etats-Unis multiplient les accords d’autolimitation avec le Japon ou surtaxent les téléviseurs japonais de 100%, l’acier brésilien de 109%. Les entreprises industrielles révisent leur stratégie de développement et misent alors sur la diversification de leur activité, la recherche d’économies d’échelle par des fusions et une concentration surtout verticale (une entreprise contrôle la production d’un bien depuis sa conception jusqu’à sa distribution) afin de mieux faire face à la mauvaise conjoncture.

Dans le cadre de ces restructurations, les nouvelles technologies vont devenir une voie privilégiée pour sortir du marasme économique. En effet, les industries européennes et surtout les industries américaines misent sur leur avance technologique. L’activité de Recherche et Développement (R&D) est accrue, soutenue par l’aide étatique : IDS de Reagan (initiative de défense stratégique), universités subventionnées par l’Etat fédéral, programme Eureka en Europe qui mettent en place une recherche « down-top », c'est-à-dire une recherche issue d’un besoin provenant des entreprises. Les nouvelles technologies engendrent de nouvelles possibilités industrielles et donc drainent la main d’œuvre vers de nouveaux secteurs d’activités, répondant ainsi à la logique de déversement sectoriel de Clark. L’innovation demandant des investissements conséquents dans le secteur industriel de pointe, les grandes firmes industrielles à forte intensité capitalistique dominent alors le secteur dans leur marché respectif : aux Etats-Unis : US Steel pour l’acier, General Motors pour l’automobile, Boeing dans l’aviation civile et aussi Microsoft pour les logiciels. En Europe, Airbus domine dans l’aviation, Volkswagen et Mercedes-Benz dans l’automobile, Pechiney dans l’aluminium.

Les nouvelles technologies ont ainsi contribué au redressement du tissu industriel dans l’Union Européenne et les Etats-Unis aussi bien dans les secteurs traditionnels (optimisation dans la haute technologie : sidérurgie ou textile) et dans de nouveaux secteurs de pointe (informatique, électronique, aéro-spatiale, chimie fine)

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En second lieu, le maintien du tissu industriel dépend toujours plus des innovations industrielles, au niveau géographique, la localisation des industries est nettement influencée par les innovations technologiques : on assiste à une littoralisation de l’activité due à la révolution des transports maritimes et aux nouvelles logiques de production. De même apparaissent des districts industriels nouveaux, concentrés autour de centres de recherche et de technopôles : Silicon Valley en Californie ou Triangle Research en Géorgie aux Etats-Unis, région de Glasgow en Ecosse ou Sud-Ouest français et Barcelone en Espagne dans l’Union Européenne. Ce regroupement s’explique par le paradigme Coase-Williamson-Scott qui montre que les entreprises ont intérêt à se regrouper afin de baisser les coûts de transport et se répartir les stades de production d’un produit tout en ayant accès à l’information, plus rapidement diffusée. Cet « essaimage » du tissu industriel répond à la double contrainte du caractère éphémère de la nouvelle technologie et de sa diffusion au sein des entreprises.

Les firmes industrielles changent également de stratégie de développement suite à l’essor des nouvelles technologies : elles passent d’une stratégie de marché (implantation à l’étranger pour être présent sur le marché local) à une stratégie de rationalisation de production selon la théorie des circuits de branche de Lipietz dans la fabrication du produit.

Ainsi, seuls les pays les plus développés concentrent les activités de haute technologie et les firmes globales se développent, remplaçant les firmes multidomestiques (plusieurs lieux où le produit est fabriqué dans son ensemble). Elles deviennent de plus en plus « anationales » (Paul Weltz) et dépassent l’Etat en puissance décisionnelle : le chiffre d’affaires de General Motors dépasse le PNB du Danemark.

Au niveau interne, la firme industrielle recentre également son activité sur une activité dominante dans laquelle elle se spécialise et elle sous traite les activités annexes. Ainsi, Renault se sépare de sa branche pois lourds en la cédant à Volvo et se concentre sur l’automobile. Le fordisme laisse de plus la place à la logique toyotiste de production : flux tendus, qualité renforcée, diffusion horizontale de l’information au sein de l’entreprise, organisée autour de la technostructure de Galbraith : une équipe de plusieurs cadres supérieures supervisée par un directeur général dirige la firme et non plus un unique chef d’entreprise qui en serait le propriétaire.

La firme industrielle et le tissu industriel dans son ensemble évoluent donc en fonction des contraintes et des possibilités offertes par les nouvelles technologies. Cependant, ceci contribue à rendre le tissu industriel dépendant de ces nouvelles technologies : la psychose du bogue de l’an 2000 illustre bien le fait d’une dépendance industrielle de l’informatique, de même que les cabinets d’audit et de gestion (Andersen Consulting, par exemple) deviennent indispensables au tissu industriel.

En fait, les nouvelles technologies sont donc génératrices de nouvelles faiblesses du tissu industriel dans l’Union Européenne et les Etats-Unis car elles créent de nouvelles contraintes : financière, l’investissement dans la R&D étant considérable, la mise en évidence d’une nouvelle molécule dans l’industrie pharmaceutique nécéssitant ainsi plusieurs milliards de dollars. De plus, les Etats-Unis et plus encore l’Union Européenne sont rattrapés voire dépassés par la technologie japonaise : c’est le laboratoire d’une grande université japonaise qui vient de découvrir un nouvel alliage utile à la fabrication d’os artificiels. Dans le secteur de l’innovation, la faiblesse de l’Union Européenne ressort clairement et elle est quasiment absente de secteurs stratégiques de pointe comme l’informatique ou l’électronique. En fait, elle souffre d’un manque de cohésion : chaque pays agissant indépendamment des autres et de l’absence de politique industrielle commune.

Ensuite, les nouvelles technologies génèrent l’apparition de « nouveaux pouvoirs » selon l’expression de Toffler difficiles à maîtriser. En effet, les nouvelles technologies et la nouvelle économie engendre une croissance de l’économie qui profite à l’industrie. Toutefois, cette croissance reste fragilisée car elle repose sur une capitalisation virtuelle. Du coup, lorsque le Nasdaq (indice des nouvelles technologies) baisse fortement, cela se répercute sur les valeurs de l’économie traditionnelle, dont les valeurs industrielles. D’une certaine manière, les nouvelles technologies sont donc néfastes à l’industrie. De plus, on commence à percevoir les signes d’un manque de main d’œuvre relatif dans l’industrie du bâtiment notamment, ce qui est dû au fait que les nouvelles technologies attirent la main d’œuvre vers des activités tertiaires (création de start-up sur l’Internet).

Enfin, au sein même de l’activité industrielle, les nouvelles technologies répondent à la logique de la filière inversée : elles contribuent à la création d’une offre de la part d’industriels et on s’efforce par la suite de créer une demande qui lui corresponde.

Pour finir, les nouvelles technologies engendrent de nouvelles disparités régionales ou contribuent à renforcer celles qui existaient au sein du tissu industriel : le cœur des Etats-Unis reste vide d’industries et le Nord-Est semble voué à voir les industries la quitter tandis que les Etats de la Sun Belt attirent les nouvelles technologies. Dans l’Union Européenne, les « friches industrielles » sont toujours dominantes dans les RETI, la diagonale du vide se renforce alors que l’arc atlantique accueille les industries de pointe : Toulouse a ainsi été choisie pour recevoir le siège d’Airbus. Les technopôles européennes et américaines restent les bénéficiaires des hautes technologies dans l’industrie.

Ainsi, les nouvelles technologies ne sont pas forcément bénéfiques au tissu industriel et il se créé une interdépendance entre les deux car les nouvelles technologies ne s’installent que là où le tissu industriel a déjà été profondément transformé par ces mêmes technologies.

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De toute évidence, les nouvelles technologies ont un effet prépondérant sur les tissus industriels américains et européens, influençant à la fois la localisation, le secteur de production et la stratégie de développement contribuent à l’essor des nouvelles technologies. Par ailleurs, les mutations du tissu industriel étaient rendues nécéssaires par la crise de régulation du régime d’accumulation des années 1970. C’est pourquoi les nouvelles technologies sont plutôt un moyen d’adaptation du tissu industriel davantage qu’une cause de ses mutations. Ainsi, la croissance actuelle de l’économie repose-t-elle, selon une logique schumpeterienne, sun un cycle d’innovation correspondant aux nouvelles technologies, le problème étant à présent la solidité d’une telle croissance et sa durabilité.

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