Essec - Manheim : une nouvelle référence européenne
C'est une première, et pas des moindres.
Pierre Tapie, directeur général, Nicolas Mottis, directeur des programmes MBA du groupe Essec, l'une des trois meilleures grandes écoles de management en France, Hans-Wolfgang Arndt, recteur, et Martin Schader, doyen de la faculté d'administration des entreprises de l'université allemande de Mannheim, considérée outre-Rhin comme le Harvard allemand, viennent d'annoncer les fiançailles de leurs établissements, en présence de Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'Industrie à l'origine du projet, et de Ines Bush, représentante de Peter Frankenberg, ministre de l'Éducation du Bade-Württemberg.
De ces fiançailles, naîtra le premier «consortium universitaire» européen, que Jacques Chirac et Gerhard Schröder avaient invité à créer, lors du quarantième anniversaire du traité de l'Élysée, en janvier dernier, tout comme les quarante ministres de l'Éducation européens réunis au sommet de Berlin il y a quelques semaines. Mais l'enjeu de l'alliance, qui pourrait déboucher sur la constitution d'une «business school» européenne développant une seule et même activité et inclure d'autres partenaires, va au-delà de la seule sphère académique. C'est une dimension nouvelle donnée à la construction européenne et à l'harmonisation de l'enseignement supérieur, qui pourrait offrir un modèle social d'Europe continentale alternatif à la prédominance anglo-saxonne. Joli coup. Réunies, les deux institutions affichent une force de frappe considérable, notamment en terme de «masse critique» d'étudiants, sorte de critère unique d'existence dans le paysage mondial de l'enseignement supérieur. Et concilient trois exigences : excellence, cohérence dans les cursus et mobilité.
«Le pari d'Essec et de Mannheim est de construire à partir d'un couple puissant, dont chaque membre est très reconnu dans son pays d'origine, un acteur clé explique Pierre Tapie, qui ne cache pas son ambition. Le consortium Airbus pouvait paraître tout aussi fou. Il eut été encore plus provocant de penser qu'un jour il deviendrait le numéro un mondial, devant Boeing.»
Il ne s'agit plus d'une coopération ponctuelle comme il en existe déjà (programmes d'échanges, cursus conjoints, l'Université franco-allemande, la Communauté des écoles de management européenne, réseau Time...). Concrètement, dans un premier temps, les deux partenaires prévoient de regrouper sous la marque Essec-Mannheim un pôle de programmes «European Executive MBA». Un fonds de recherche commun, doté de 50 000 euros par an, va également voir le jour, ainsi qu'un conseil d'orientation binational, avec la participation de grands patrons européens. Enfin, une structure juridique unique hébergera les activités communes. A terme (18 mois), l'Essec et Mannheim réaliseront un audit croisé de leurs ressources intellectuelles, et lanceront une formation doctorale unique. Restera alors à réaliser l'intégration du coeur de métier des deux institutions : le diplôme Essec, aujourd'hui positionné au niveau MBA et le diplom-Kaufmann de Mannheim, en créant un master unique.
«Ce sera en quelque sorte notre communauté européenne du charbon et de l'acier, note Pierre Tapie, qui n'a pas minimisé les difficultés «considérables» du projet, notamment de l'union d'une grande école privée et d'une université publique. Nous espérons que les pouvoirs publics français et allemands seront convaincus par notre projet, pour qu'ils nous aident sur le plan réglementaire et financier.»
«Compte tenu du prestige des institutions, ces fiançailles marquent un tournant très concret. Les relations entre l'Essec et Mannheim sont anciennes. Cela est un atout important pour leur future vie commune, s'est réjouie Nicole Fontaine qui a promis le soutien total du gouvernement. J'ai certes une grande admiration pour les grandes universités américaines. Mais je ne crois aucunement dans un modèle global d'enseignement, américain, asiatique ou européen. L'enseignement supérieur ne peut être un produit standard. S'il le devenait ce serait un danger pour la démocratie. L'Europe doit donc jouer sa carte.»
D'autres établissements, tels qu'HEC, Audencia Nantes, EM Lyon ou Sciences po avaient participé, aux côtés du ministère de l'Industrie, au projet de création de consortiums universitaires européens. L'aventure ne devrait donc pas s'arrêter là. A quand pour les écoles d'ingénieurs ?
A savoir :
Le groupe Essec :
- 3500 étudiants
- 5000 cadres en formation continue
- 101 professeurs permanents
- un réseau de 25000 diplômés
Mannheim :
- 3500 étudiants
- un réseau de 35000 diplômés
- Meilleure business school allemande
Extrait du Figaro daté du 15 Octobre 2003
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